Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Comité stéphanois
25 février 2009

Nos pensées et nos positions à l'égard de la lutte contre les lois anti-terroristes, et aussi bien des suites à lui donner

    Depuis le 11 novembre 2008 et les arrestations arbitraires qui ont eu lieu ce jour là à Tarnac et ailleurs, un grand nombre de comités de soutien aux inculpés se sont constitués en France et à l'étranger. Ces comités ont organisé de nombreuses soirées et diverses manifestations afin d'affirmer leur solidarité avec toutes celles et ceux qui sont tombés sous le coup de ces lois scélérates, dites anti-terroristes – lois dont nous connaissons probablement tous ici le réel objet : criminaliser les luttes que nous menons çà et là contre le système médiatico-parlementaire-marchand. A cette heure, le point d'acmé de la lutte livrée par les comités pour la libération de tous les prisonniers et la fin des mises en examen reste la grande manifestation qui eut lieu le 31 janvier dernier à Paris, icelle a réuni environ 3000 manifestants contre lesquels était déployé un service d'ordre démesurément épais, composé d'au moins 1300 policiers. Une telle démesure, soit dit en passant, atteste encore une fois de ceci que s'il peut nous arriver parfois d'avoir peur, la peur peut aussi changer de camp et submerger les vieilles têtes de cadavres des agents du spectacle. Il y a bien loin pourtant à ce que nous puissions là évoquer une victoire de notre camp, sinon fort partielle, en particulier au regard des arrestations et des nouvelles mises en examen qui ont suivi la manifestation. Nous avons beaucoup à faire encore, à commencer sans doute par nous interroger sur les tactiques à combiner pour les engager dans la lutte. Qu'aujourd'hui la domination tremble, nous pouvons d'ores et déjà nous en réjouir, mais la paranoïa où elle achève de nourrir ses multiples délires doit aussi nous inciter à une certaine prudence, ou plutôt nous encourager à penser et repenser si nécessaire les stratégies à l'œuvre, les siennes comme les nôtres. La répression va encore s'amplifier demain : c'est la logique malheureuse de toutes les époques qui doivent composer avec l'effondrement de leur civilisation. Garantie hier entre autres choses par une certaine mystique du progrès et de la croissance infinis, la place de la domination n'est plus guère garantie aujourd'hui que par un dispositif policier qui veut quadriller toutes les sphères de la vie quotidienne. Un tel constat n'a pas manqué d'éclore en évidence dans les cerveaux bouffis de nos dominants, aussi vont-ils continuer d'agir en conséquence. Et c'est ce que nous savons.

        Le comité de soutien stéphanois a été créé en décembre 2008, à la suite des arrestations à Tarnac, bien sûr, mais presque aussitôt en portant son attention sur la situation actuelle en générale, que nous exposions succinctement devant ça. Nous dirons qu'il se compose d'un noyau dur autour duquel vient s'ajouter plus ou moins régulièrement et selon les nécessités un assez grand nombre de personnes : qui pour faire de l'affichage, qui pour imprimer des tracts à peu de frais, qui pour fournir une salle de conférence, qui pour manifester ou occuper un lieu*, et j'en passe. Pour aller vite, nous signalerons simplement qu'un réseau solidaire s'est formé, lequel, si imparfait soit-il encore, n'a pas moins obtenu d'être assez opérant sur les divers terrains où nous avons voulu agir : concerts, débats, lectures publiques, projections vidéo, rassemblements et manifestations. Après ces « expériences » plutôt positives, nous avons cependant dû constater notre difficulté à informer plus largement la population sur Tarnac et l'anti-terrorisme et tout le reste. Trop souvent, en effet, nous avons rencontré des êtres ignorant tout ou presque même de la seule affaire du plateau des millevache, icelle a été pourtant fort médiatisée – du moins dans un premier temps. Trouver les moyens d'une information conséquente qui échapperait simultanément au système médiatique, telle est l'une des tâches essentielles que nous avons donc à réaliser, et qui nous a semblé jusqu'ici pratiquement chimérique. Si nous pouvons accepter sous certaines conditions quelques rencontres avec des journalistes officiels, notre méfiance à leur égard doit demeurer intacte. Nous avons des vérités et des positions à faire entendre, nous n'avons pas à devenir des médias. Et c'est ce que nous savons.

        Après la manifestation du 31 janvier dernier, nous nous sommes réunis à plusieurs reprises afin d'envisager les suites à donner au « mouvement », tant localement que sur un plus vaste terrain. De longues palabres ont permis d'établir des positions communes à tous les membres du comité, même s'il a pu subsister çà et là quelques divergences de détail. Pour le dire simplement, nous exigeons évidemment dans un premier temps l'abrogation des lois anti-terroristes et la libération de tous les inculpés au titre de ces lois, ainsi que la fin sans condition de leurs mises en examen. Nous nous prononçons en faveur de l'abolition du travail salarié, et de l'argent. Nous condamnons radicalement le capitalisme et les modes de vie misérables qui lui sont consubstantielles, en conséquence de quoi une insurrection nous semble à envisager, non comme une fin en soit ni comme unique figure de la lutte, mais comme un moment inévitable et privilégié de cette lutte. Nous nous proposons d'en finir avec les divers systèmes de contrôle installés par la société du spectacle, qu'ils soient de l'ordre du temps de cerveau disponible, du policier, de la vidéo-surveillance, du biométrique, du cybernétique, du psychologique,de la génétique ou bien entendu de l'emprisonnement pur et simple. Nous nous engageons dans la mesure du possible à aider tous les camarades en lutte, ici ou ailleurs, en ébruitant leurs mots, leurs actes et leurs objectifs, ainsi qu'en glanant de l'argent pour le leur envoyer par l'intermédiaire des caisses de solidarité. Enfin, nous pensons que la victoire viendra de notre aptitude à créer ici partout et dès maintenant une vie plus décente et plus digne, organisée en communes au cœur desquelles nos liens d'homme à homme n'auraient plus rien du néant où nous laissent toujours les rapports industrialo-marchands actuels. A cet endroit, permettons-nous quelques banalités de base qui viendront brièvement donner corps à la notion de commune :

        La véritable grammaire de notre humanité, c'est le don, qui nous lie plus sûrement et plus joyeusement les uns aux autres que toute la magie noire des monnaies d'échanges. Quoiqu'ils puissent avoir à en défendre la possibilité même, mille cocktails Molotov n'égaleront jamais le potentiel profanateur d'un seul don. Le don n'est pas une hypothèse abstraite : c'est une praxis. Le bon sens commun de la plèbe lui laisse encore parfois le bon goût d'une si bonne praxis. La praxis du don n'est pas séparée de ce que nous sommes, c'est pourquoi elle n'a pas à être gouvernée. Le gouvernement, ou, pour employer un mot à la mode dans la domination et chez les sociologues : la gouvernance, sont ce qui nous sépare toujours plus violemment de nous-mêmes, en reléguant toujours plus au loin l'unité primordiale de nos êtres et de nos praxis. Le don est ce qui nous rend cette unité, il est lui-même cette unité – encore faut-il accepter de le recevoir. L'espace-temps de cette réception est la commune, où les affinités électives affinent leurs liens par le jeu répété des dons/contre-dons. Un contre-don jamais ne retourne à l'échange, il est plus qu'à son tour un don que nul n'aura exigé. Le don n'a rien à troquer. Le troc est ce qui nous ramène à l'équivalence abstraite de l'échange, et rompt lui aussi du même coup nos liens et notre unité. Il rend seulement les modalités de l'échange plus complexes, en ceci au moins qu'il ignore la monnaie – et encore ! Au contraire du troc, le don n'est pas de l'ordre du donnant/donnant, mais du donné/reçu, dont la commune est à la fois l'architecte et le réceptacle. Palabrer, par exemple, c'est donner des paroles et en recevoir dans un lieu commun. Nul ne communie dans un lieu commun, beaucoup s'y connaissent, comme dans l'amour. La communion n'est rien plus que la fausse conscience de l'unité, où ce qui semble apparemment si uni ne se rencontre réellement jamais. Il y a loin. Le plus sûr lieu commun de notre humanité, c'est le don. La commune s'y conçoit. La commune est sans suprématie, sans règne et sans gouvernement. Rien ne se tient au-dessus d'elle que tous ceux qui la constituent, ni en-dessous. Nous sommes nés pour marcher sur la tête des rois, et c'est ce que nous savons.

 

    Voilà ce qu'à cette heure nous pouvions dire sur nos positions. Une époque s'achève. Un moment de nos luttes a déjà vieilli à l'instant où nous allons conclure ce texte. Il nous appartient de le rajeunir en inventant de nouvelles armes, sans pour autant négliger les anciennes. L'effondrement d'une civilisation laisse demain dans l'incertitude. Une décision approche qui verra quoi qu'il arrive l'avènement d'une autre ère, laquelle aura, vraisemblablement, soit le visage achevé du « contrôle orwellien » soit le visage pratique d'une commune liberté. Nous avons plus que jamais à découvrir et à engager dans la lutte les moyens qui nous permettrons d'obtenir définitivement la victoire de ce dernier. Et c'est encore ce que nous savons.

 

 

31_janvier_09_Parisnet

    Manifestation du 31 janvier 2009 à Paris, en soutien aux inculpés de Tarnac et à tous ceux qui ont été emprisonnés ou mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Ici, la banderole du comité stéphanois sur la place Denfert-Rochereau, en fin de manifestation.

    * Le site Tréfilerie de l'université Jean Monnet à Saint-Etienne, par exemple, est actuellement occupé.

Comité stéphanois contre les lois anti-terroristes

et la civilisation spectaculaire marchande

 

Contact : comitestephanois@gmail.com

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité