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Comité stéphanois
25 juin 2013

LQR - La propagande du quotidien

LQR (2006)

LQR - la propagande du quotidien, de Eric Hazan, 2006.

Extrait n°1 : Il est vrai que la LTI, création des services dirigés par Goebbels, était étroitement contrôlée par les organes de sécurité nazis alors que la LQR évolue sous l'effet d'une sorte de darwinisme sémantique : les mots et les formules les plus efficaces prolifèrent et prennent la place des énoncés moins performants. La langue du IIIe Reich disait  de la façon la plus "vulgaire" possible le racisme le plus sauvage ; la LQR cherche à donner un vernis de respectabilité au racisme ordinaire. La LTI visait à galvaniser, à fanatiser ; la LQR s'emploie à assurer l'apathie, à prêcher le multi-tout-ce-qu'on-voudra du moment que l'ordre libéral n'est pas menacé. C'est une arme postmoderne, bien adaptée aux conditions "démocratiques" où il ne s'agit plus de l'emporter dans la guerre civile mais d'escamoter le conflit, de le rendre invisible et inaudible.

Extrait n°2 : L'autre fonction de l'euphémisme consiste à prendre un mot banal, à en évacuer progressivement le sens et à s'en servir pour dissimuler un vide qui pourrait être inquiétant. Soit par exemple, pour cette fonction de masque, l'omniprésente réforme : en LQR, le mot a deux usages principaux. Le premier est de rendre acceptable le démantèlement d'institutions publiques et l'accélération de la modernisation libérale : "Seule la mise en place immédiate et accélérée d'un programme de réformes peut rétablir notre situation économique", écrit Ernest-Antoine Sellière dans Le Monde du 1er juin 2005, au lendemain du référendum sur la Constitution européenne. Et dans le même journal, Edouard Balladur, ancien premier ministre, livre une belle dénégation : "Qui dit réforme ne dit pas nécessairement injustice, bien au contraire" (17 août 2005). Dans son autre usage, réforme est une manière pour les gouvernants de signifier, face à une question vraiment litigieuse, que la décision est prise de l'enterrer sous les enquêtes, rapports et travaux de commissions. Le lobby des constructeurs contraint-il le ministre de l'Ecologie à abandonner son projet de "malus" pour l'assurance des voitures neuves les plus polluantes ? "Il a confirmé que deux groupes de travail parlementaires seraient mis en place d'ici fin septembre pour étudier cette réforme et que des discussions auraient lieu." Les députés refusent-ils les CV anonymes proposés par Claude Bébéar, l'ancien P-DG d'Axa ? Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, annonce que cette réforme (le projet d'anonymat) sera étudiée par une commission technique sous l'autorité de l'ancien président du Haut Conseil de l'intégration et patron de Saint-Gobain, Roger Fauroux. Bref, derrière réforme, il n'y a rien que du vide.

Extrait n°3 : Il entre souvent une part de comique involontaire dans ces efforts de promotion à tout prix. A une époque où l'on compte un nombre inhabituel d'escrocs et de menteurs au plus haut niveaux des grandes sociétés, des partis et de l'Etat, où l'on ne sait plus si le mot affaires a trait aux activités économiques ou aux scandales financiers, les oligarques et leur personnel de haut rang sont présentés dans les médias comme nos élites. Dans l'éditorial de Libération paru le lendemain du référendum constitutionnel, Serge July écrit que les partisans du non ont rejeté "la construction européenne, l'élargissement, les élites, la régularisation du libéralisme, le réformisme, l'internationalisme, même la générosité". Le même jour (30 mai 2005), on pouvait lire dans Le Parisien : "Le résultat - que Michelle Alliot-Marie tient pour 'une défaite de la France' - est donc, pour les élites, un désaveu cruel." Le 1er juin, Alain-Gérard Slama affirmait sur France Culture que "La victoire du non consacre le discrédit dans lequel nos élites sont tombées". Le 2 juin, Le Nouvel Observateur titrait en couverture : "Le pouvoir rejeté, les élites désavouées, l'Europe sanctionnée" et, dans le même numéro, Jacques Julliard notait dans sa chronique : "Dans tous les cas, c'est le contrat national qui est gravement atteint... La faute en incombre d'abord aux élites." Remplaçant presque naïvement, sans guillemets ni ironie aucune, le syntagme caste dominante, le terme d'élites aligne le vocabulaire "politique" sur celui des commentaires sportifs où il est depuis longtemps question - à juste titre d'ailleurs - de l'élite du cyclisme italien ou du football brésilien.

 

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