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Comité stéphanois
4 août 2009

Emeutes en europe pour les années 2007-2008

Emeutes_en_europe_2007_2008blog

Carte réalisée par Alain Bertho, professeur d'anthropologie à Paris 8

    Est-il nécessaire de commenter cette carte ? Sans doute non, tant à elle seule elle suffit à révéler les multiples tensions qui traversent notre vieille europe, et en particulier la france et la grèce. Disons simplement, pour aller vite, que l'intérêt d'une telle carte est de montrer ce que les médias tentent de dissimuler chaque jour de plus en plus vainement : qu'une certaine "violence" émeutière se déploie depuis quelques années sur le continent, icelle "violence" veut légitimement répondre et s'opposer, pour l'essentiel, à la violence réelle et quotidienne, répressive et agressive, du capitalisme mondialisé. Que la plupart des médias aient choisi de ne l'évoquer que sous l'angle de la délinquance ne surprendra pas et ne change décidément rien à l'affaire, cette carte souligne assez qu'il s'agit bien plutôt au moins d'une résistance qui s'organise progressivement contre le monde-marchandise, au mieux d'une insurrection qui vient.

Comité stéphanois

P.S : on pourra utilement aller voir l'intéressant site d'Alain Bertho en cliquant ici.

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25 juillet 2009

La guerre sociale bat son plein

La guerre sociale bat son plein : nous faisons suivre un article du monde sans prendre le temps de commenter ou adapter le discours.

    BALFOUR, Afrique du Sud - Pour la deuxième journée consécutive, des manifestations ont dégénéré en émeutes mercredi dans le township sud-africain de Thokoza, à Johannesburg, ainsi que dans plusieurs autres quartiers pauvres du pays.

    Plusieurs milliers d'habitants de Thokoza défilaient pour réclamer davantage de services publics, de logements et d'emplois. Des manifestants ont jeté des pierres en direction de la police, qui a riposté par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes.

    Le mouvement de protestations a également gagné Meyerton, au sud de Johannesburg, où des habitants ont occupé des terres agricoles afin de protester contre leur expulsion de campements provisoires.

    Dans le township de Balfour, dans le nord-est, des résidents ont menacé d'incendier des bâtiments municipaux si cent personnes arrêtées lors de manifestations, mardi, n'étaient pas libérées, rapportait Talk Radio 702.

    Ces violences sont les plus graves depuis l'entrée en fonction début mai du président Jacob Zuma, alors que les mouvements sociaux et les menaces sur le secteur industriel se multiplient ces derniers mois.

    Ce dernier pourrait avoir du mal à tenir ses promesses électorales d'aide aux plus pauvres, l'Afrique du Sud étant entrée dans sa première période de récession en dix-sept ans.

    Ces émeutes rappellent en outre les violences menées contre les étrangers l'an dernier, dans lesquelles 62 personnes avaient été tuées, et jettent le doute sur l'image positive que tente de projeter le pays à moins d'un an de l'organisation de la Coupe du monde de football.

Le Monde

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Photo du journal Ouest-France.fr, du jeudi 9 juillet 2009.

Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur le véritable objet d'une telle photo : le journal voulait-il témoigner de "l'événement" qui avait lieu ce jour là en afrique du sud ? ou souhaitait-il se faire de la publicité à peu de frais en y inscrivant son nom en bas à droite, et en lettres assez imposantes ? A moins qu'il ait désiré nous faire savoir que, tout compte fait, "l'événement" se déroulait dans l'ouest de la france - mais que viendrait faire dès lors une telle photo dans un article sur l'afrique du sud...

Comité stéphanois

8 mai 2009

Le pays à l'envers

Fly_le_Pays___l_enversblog

16 mars 2009

Appel du printemps 2009 : Grève générale pour de vrai, à partir du 19 mars on ne travaille plus, on arrête tout...

Bonjour à tous les insoumis et les révoltés,

Contre le mépris de ceux qui nous gouvernent,

Contre l'Etat et les banques qui nous font payer leur crise,

Contre les réformes du gouvernement qui privatisent les services publics,

Contre l’ennui qui nous rend impuissant,

Contre la misère qui se répend partout,

Contre la peur du flic et de l’avenir qui paralyse nos contestations,

Contre le système capitaliste qui nous isole, qui privatise nos corps et nos vies et qui achève de détruire les derniers réseaux de solidarités,

Contre le travail salarié qui nous brise et nous asservit,

Contre le pouvoir de l’argent qui nous sépare,

Il faudra bien un jour que le monde change…

A partir du 19 mars on arrête tout, grève générale pour de vrai.

Un mois et demis après le 29 janvier, les syndicats appellent à une nouvelle journée de manifestation le 19 mars. Ils l’appellent « Grève générale » et c’est encore un mensonge de plus.

Alors diffusons partout cet appel :

Appel du printemps 2009 : Grève générale pour de vrai, à partir du 19 mars on ne travaille plus, on arrête tout…

Parlons-en avec nos amis, nos familles, nos collègues de travail, dans les bistrots, dans la rue et les jardins publics. Fabriquons des banderoles pour suspendre cet appel à nos fenêtres, sur les ponts, les passerelles, en haut des tours, des arbres et des collines. Taguons-le directement sur les murs de nos villes, sur les trains, les trams et les métros. Envoyons ce message sur Internet, par SMS et jetons des bouteilles à la mer…

Rendez-vous le lendemain du 19 mars avec rage et courage.

Amicalement,

Des étudiant.e.s grévistes de Saint-Etienne (en grève depuis 2 mois contre la casse de l'université et de la recherche)

16 mars 2009

Sur les facs, créons des comités de lutte

Texte en circulation sur la fac du Mirail à Toulouse

    Nous ne souhaitons pas lutter contre une énième réforme mais bien contre le marché qui étend son emprise sur nos facs et sur nos vies. Nous combattons une logique -- celle du capitalisme et non son image médiatique, la réforme gouvernementale -- considérant qu'une lutte particulière contre un gouvernement particulier constitue une impasse. Nous ne voulons pas plus "sauver notre éducation", celle-ci est morte et enterrée. Nous ne perdrons pas notre cohérence, notre temps et notre énergie à vouloir sauver le cadavre de l'université bourgeoise.

    En analysant les différentes expériences de luttes passées, nous tirons un bilan clair. En premier lieu nous constatons l'impuissance des Assemblées Générales à être de véritables lieux de débats : elles ont le don de fatiguer et d'irriter les personnes désirant lutter, quant aux réactionnaires elles leur fournissent sans cesse de la matière à casser le mouvement. Ces assemblées monstres tendent à confisquer au lieu de "libérer la parole" au profit des seuls professionnels de la luttes, syndiqués ou non.

    Il est clair que ces assemblées doivent rester le lieu des décisions collectives, néanmoins il apparaît essentiel que les décisions se prennent au terme des débats. Pour permettre une conscientisation collective favorable à la lutte, nous pensons qu'il faut rassembler les individus dans des comités à taille humaine.

    Ces structures ce sont les comités de base : par département ou simplement par affinité. Chacun peut ensuite se rendre à l'AG en faisant remonter les idées, propositions, décisions prises à la base.

    L'avenir des luttes est dans l'auto-organisation de telles structures. Des expériences similaires ont déjà vu le jour, il ne tient qu'à nous d'amplifier le mouvement.

    Constituons dès maintenant des groupes affinitaires et des groupes de résistance populaire autonome afin de ne pas se perdre dans l'anonymat des ces assemblées monstres où seuls les syndicats de tout bord monopolisent le micro !

    Pour une autogestion de la fac, de nos luttes et de nos vies !

Des étudiants de l'Université de Toulouse - Le Mirail

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9 mars 2009

Communiqué à l'adresse des grévistes de l'outre mer

    Aux grévistes de l'outre mer, fraternellement :

    Les populations des anciennes colonies françaises subissent depuis des années une exploitation plus odieuse encore que celle qui sévit sur nos têtes métropolitaines. Ce ne sont pas seulement les békés, ces héritiers des grandes familles colonialistes du passé, qui soumettent durement les peuples de l'outre mer aux lois scélérates du règne capitaliste, puisqu'aussi bien l'État français et les industriels qui l'accompagnent n'ont jamais cessé de traiter ces départements et territoires comme de simples protectorats, où chacun devra être à la fois corvéable(1) à merci et consommateur de produits métropolitains surtaxés. A l'évidence, si un réel partage des richesses n'existe réellement nulle-part dans le monde, l'outre mer français s'en voit privé plus encore au moins que ne l'est la métropole. Dépossédés de l'essentiel de leurs terres, ses habitants se sont vus contraints en même temps de n'y plus rien cultiver d'autres que la banane(2), ou presque. Or une telle contrainte les condamne invariablement à importer la quasi totalité des produits de première nécessité, et à les payer à vils prix, comme nous le disions devant ça. La vie chère combattue par les grévistes concerne bel et bien principalement la nourriture, et non les diverses babioles plus ou moins technologiques qui envahissent inlassablement les temples de la marchandise.

    Toutefois, le coût élevé de la survie en outre mer n'est pas l'unique difficulté soulevée par les grévistes. Quoi qu'en dise les médias de la métropole, la discrimination raciale reste un problème majeur sur ces territoires. Il est en effet patent que la « population noire » y subit une relégation sociale nettement plus importante que la « blanche » : sous-payée, dépossédée des ses terres, écartée de la presque totalité des centres de décisions, déplacée vers la métropole suivant les nécessités et exigences de celle-ci, toujours plus amputée de sa propre culture par les métastases d'une inique marchandisation de tout(3), cette population est renvoyée à sa propre négation – aussi a-t-elle joliment commencé de ne plus l'accepter.

    En dépassant l'égoïsme, en sortant des corporatismes et des catégories stupides où la domination spectaculaire-marchande les enfermait, les peuples de l'outre mer ont montré la voie. Les manipulations médiatiques, gouvernementales et policières n'y changeront plus rien. Par les efforts et les sacrifices qu'ils ont consentis, parfois pendant plus d'un mois, les françaises et français grévistes de l'outre mer nous ont rendu cette essentielle dignité dont des années de fatalisme nous avaient dépossédé. Ils nous ont démontré qu'un mouvement massif et durable pouvait encore offrir de nombreuses victoires sociales, puisque la plupart de leurs exigences ont fini par trouver des réponses favorables – même s'il reste à ce qu'elles soient appliquées. Il s'agit là pour nous, habitants de la métropole, d'un véritable message d'espoir. Nous les en remercions ici, et c'est encore trop peu. Sans vouloir écarter la spécificité de leur situation, nous avons aussi nos Békés et exploiteurs de toutes sortes, et la grandeur de leur lutte ne peut que nous encourager à la poursuivre ici et maintenant. Nul à présent ne pourra plus ni leur faire ni nous faire accroire que nos propres destins doivent toujours nous échapper en étant déposés entre les mains de quelques régnants pseudo-représentatifs. Il y a quelques mois seulement, Sarkozy affirmait encore sans sourciller mais en clignant de l'œil que lorsqu'il y aurait des grèves en France, personne n'en remarquerait plus l'existence. Or si une telle affirmation avait bel et bien pour elle de rassurer la frange la plus réactionnaire de son électorat, nous pouvons dire aujourd'hui grâce aux « ultra-marins »*, et quant à nous sans cligner de l'œil, qu'elle n'avait guère pour elle que cela : ces dernières semaines aux Antilles l'ont définitivement montré en reléguant pour longtemps aux oubliettes de l'Histoire cette cynique prétention sarkozienne, et nous en sommes ravis. Aussi souhaitons-nous manifester par ce communiqué notre inconditionnel soutien à tous ceux qui ont lutté en Guadeloupe et en Martinique, ou qui luttent encore à la Réunion, en Guyane, et ailleurs. Que l'État français ait trouvé bon d'envoyer 3500 policiers en Guadeloupe, par exemple, après avoir tenté dans un premier temps de laisser pourrir la situation(4), montre assez vers quelle violence il est prêt à s'engager lorsqu'il sent peser une menace sur l'industrie libérale dans son ensemble ; mais les guadeloupéens ont montré à leur tour, par leur détermination, qu'il était toujours encore possible de se battre pour une vie plus décente et plus digne, et d'emporter quelques victoires. En sorte que nous appelons tous les grévistes de l'outre mer à continuer la lutte, non seulement pour obtenir plus encore en ce qui concerne la survie, mais pour s'employer à créer une vie plus poétique qui reléguerait au loin le néant des seules relations marchandes. Nous réitérons ici l'affirmation de notre soutien inconditionnel, et nous nous engageons de notre côté à tout faire pour qu'en métropole aussi s'engage une vaste lutte : le mois de mai 1967 en Guadeloupe, qui s'était vu réprimé dans le sang, avait précédé celui de 1968 en métropole. Souhaitons qu'il en aille de même dans les jours prochains, sur une plus grande échelle et avec la victoire au bout.

    Le monde entier est un Béké-Land, il nous appartient d'en sortir tous ensemble, par le haut et radicalement.

Communiqué commun du collectif des étudiantes & étudiants en grève de l'université Jean Monnet à Saint-Étienne (42) et du comité stéphanois contre les lois anti-terroristes et la civilisation spectaculaire-marchande

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Notes :

1 – Le fait que le taux de chômage soit très élevé dans ces territoires – près de 50% de chômeurs chez les jeunes guadeloupéens, par exemple – rend la mise en place d'une telle exploitation plus facile encore. Nous savons bien que les capitalistes n'aiment rien tant qu'être en présence d'une grande armée salariale de réserve (les chômeurs), sans laquelle ils ne seraient guère en mesure de maintenir longtemps les salaires des travailleurs au plus bas.

2 – Notons que cette mono-culture s'avère être aussi un désastre écologique, en particulier au regard du fait que la banane est un fruit qui ne supporte pas longtemps d'être exploité industriellement - en quoi d'ailleurs nous lui reconnaîtront un certain savoir-vivre. En effet, les bananes produites ainsi finissent par attraper de graves maladies, telles que la cercosporiose noire ou la maladie de panama qui exigent l'emploi d'une grande quantité de fongicides pour être évités, quand cela demeure possible.

3 – L'annihilation des cultures et des particularismes locaux est l'un des moyens qu'emploie pleinement le capitalisme pour détruire les fraternités et les solidarités qui pourraient çà et là lui résister. La « culture marchande », pour le dire simplement, provoque immanquablement une individualisation égoïste et sans phrase qui nie paradoxalement toutes les singularités et laisse chacun à l'isolement, sans identité, sinon celle d'être soi-même à la fois une entreprise et la marchandise qu'elle doit produire et vendre sur le marché : ici nul ne reconnaîtra plus ses frères, tous devront universellement se nier.

4 – La tactique consistant à laisser « moisir » une situation de crise, jusqu'à ce qu'elle s'essouffle, est devenue fort courante en ces temps désastreux. Le cynisme de Sarkozy lui est étroitement lié – qu'espère-t-il d'autre en effet que cet essoufflement quand il fait tout pour que les diverses crises existantes restent invisibles aux yeux du plus grand nombre. Les grèves étudiantes actuelles, par exemple, sont confrontées à cette même tactique du pouvoir qui les laisse presque entièrement ignorées du reste de la population.

* Ultra-marins : Habitants de l'outre mer.

8 mars 2009

Nous ne sommes qu'un début, rejoignez nous !

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Banderole "Nous ne sommes qu'un début, rejoignez nous", déployée à l'université Jean Monnet à Saint-Etienne, par le collectif des étudiants en grève qui occupent actuellement leur fac, avec le soutien du comité stéphanois.

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La barricade à l'entrée de l'université Jean Monnet, sur le site Tréfilerie.

8 mars 2009

Banderole pour l'outre mer

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Cette banderole en soutien aux grévistes de l'outre mer a été déployée par le collectif des étudiants de l'université Jean Monnet à Saint-Etienne, qui occupent encore actuellement les lieux. Elle signalait dans le même temps le rassemblement de soutien à l'outre mer en lutte organisé par le comité stéphanois.

25 février 2009

Solidarité avec les grévistes et les émeutiers d'Outre Mer

    Voilà plus d'un mois déjà que dans l'unique but ô combien fondé d'obtenir une vie plus décente la population guadeloupéenne est entrée en grève. Cette grève générale se poursuit toujours aujourd'hui. Elle s'est même étendue par résonnance à l'ensemble des territoires et départements d'Outre Mer, lesquels semblent avoir choisi de ne plus subir les humiliations qu'un gouvernement et un patronat calomnieux leur infligent depuis si longtemps, avec assurément plus d'âpreté encore qu'ils n'en ont envers les métropolitains.

    Le courage de tous ces grévistes et émeutiers d'Outre Mer - femmes et hommes qui de par leur ténacité nous renvoient de la dignité - mérite plus qu'une ou plusieurs minutes de mensonges médiatiques dans les journaux misérables de notre époque. Seul un absolu soutien de notre part peut décemment répondre à cette nouvelle apparition sur la scène-monde d'icelui courage.

    Aussi appelons-nous tous ceux qui dès maintenant se sentent solidaires de la lutte menée par les guadeloupéens, les martiniquais, les réunionais, les guyanais et tant d'autres, à organiser diverses soirées de soutien (concerts, débats, lectures, projections de films, etc...), et plus encore des rassemblements, des manifestations, voire une grève générale ou une insurrection.

Comité stéphanois contre les lois anti-terroristes et la civilisation spectaculaire marchande

Contact : comitestephanois@gmail.com

Ce texte a été diffusé sous forme de tracts lors du rassemblement sur la place Jean Jaurès à Saint-Etienne, le 28 février 2009.

20 janvier 2009

Lettre de Gabrielle Hallez

Tarnac ou les fantasmes du pouvoir

    J'ai été mise en examen et mise sous contrôle judiciaire suite aux arrestations du 11 novembre 2008. Sur les neuf personnes inculpées, Julien [Coupat] reste encore incarcéré. L'appel pour sa libération aura lieu dans les jours à venir. A nouveau l'attente. Le lent dégonflement de l'affaire continue, et une nouvelle étape a été franchie, vendredi 16 janvier, avec la sortie d'Yildune [Lévy]. Il en faudra d'autres.

    Cette triste affaire aura au moins rappelé l'obsession du pouvoir : écraser tout ce qui s'organise et vit hors de ses normes. Je ne voudrais pas qu'on puisse prendre cette histoire comme un événement isolé. Ce qui nous est arrivé est arrivé à d'autres, et peut arriver encore.

    6h40 : braquée dans mon lit. Cagoulés, des hommes de la sous-direction de la lutte antiterroriste (SDAT) cherchent désespérément des armes en hurlant. Menottée sur une chaise, j'attends la fin des perquisitions, ballet absurde, pendant des heures, d'objets ordinaires mis sous scellés. Sachez-le, si cela vous arrive, ils embarquent tout le matériel informatique, vos brosses à dents pour les traces ADN, vos draps pour savoir avec qui vous dormez.

    Après plus de huit heures de perquisition, ils me chargent dans une voiture. Direction : Paris-Levallois-Perret. Les journalistes cernent le village. Personne ne pourra manquer d'admirer le spectacle de la police en action, et les moyens imposants du ministère de l'intérieur quand il s'agit de sécuriser le territoire. Quand cinq flics arrêtent un type, ça peut sembler arbitraire, quand ils sont 150 et avec des cagoules, ça a l'air sérieux, c'est l'état d'urgence. La présence des journalistes fait partie de la même logique. Ce qui s'est passé là, comme les arrestations à Villiers-le-Bel, ce n'est pas un dérapage, c'est une méthode.

    Levallois-Perret, locaux de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et de la SDAT. Des préfabriqués sur trois étages, superposition de cellules spéciales, caméras panoptiques braquées en permanence sur toi. Quatre-vingt-seize heures de garde à vue. Mais le temps n'est vite plus un repère. Ni heure ni lumière du jour. Je ne sais pas combien de personnes ont été arrêtées. Je sais seulement, après notre arrivée, les motifs de mon arrestation.

    Les interrogatoires s'enchaînent. Une fois huit heures sans pause, va-et-vient de nouveaux officiers qui se relaient. Mauvaises blagues, pressions, menaces : "Ta mère est la dixième personne mise en garde à vue dans le cadre de l'opération Taïga, on va la mettre en détention", "Tu ne reverras plus ta fille". Leur bassesse n'est pas une surprise. Ils me questionnaient sur tout : "Comment vivez-vous?", "Comment êtes-vous organisés pour manger?", "Est-ce que tu écris?", "Qu'est-ce que tu lis?" Ils voulaient des aveux pour donner corps à leur fantasme de cellule terroriste imaginaire.

    Un des officiers de la police judiciaire (PJ) m'a annoncé, lors de la perquisition : "Nous sommes ennemis." Ennemis peut-être, mais nous ne sommes pas leur reflet. Il n'y a jamais eu de cellule invisible, et nous n'avons que faire de "chefs" et de "bras droits". La police croit toujours que ce qu'elle traque est organisé à son image, comme en d'autres temps, où elle brandissait le spectre du syndicat du crime.

    Un gendarme me lit un communiqué allemand, diffusé le 10 novembre en Allemagne, qui revendique les sabotages dans le cadre d'une action antinucléaire. Sabotages dont ils veulent nous accuser. Le communiqué apparaîtra dans le rapport de la SDAT transmis à la presse dès la première semaine, puis sera quasiment oublié.

    Au bout de trois jours, un avocat peut venir assister le prévenu retenu sous le coup d'une procédure antiterroriste. Trois jours pendant lesquels tu n'es au courant de rien d'autre que de ce que la police veut bien te dire, c'est-à-dire rien ou des mensonges. Alors oui, ce fut vraiment un soulagement quand on m'a annoncé que je pouvais voir mon avocate. Enfin des nouvelles de ma fille et de l'ampleur médiatique de l'affaire. Nouvelles aussi du village et du comité de soutien créé dans les premiers jours qui ont suivi l'arrestation.

    Puis ce fut le dépôt (lieu de détention avant de comparaître devant le juge). Là s'entassent des centaines d'hommes et de femmes dans la crasse et l'attente. Une pensée pour Kafka dans le dédale de la souricière, infinité de couloirs gris et humides dont les portes s'ouvrent sur les rutilantes salles d'audience. Je suis amenée jusqu'aux galeries toutes neuves de la section antiterroriste pour comparaître devant le juge d'instruction. Puis la prison.

    Fleury-Mérogis – la plus grande d'Europe. Tous les charognards gardent cette prison, pigeons, corneilles, mouettes et de nombreux rats. Nous y sommes arrivées, Manon (Gilbert), Yildune et moi en tant que détenues particulièrement surveillées (DPS), ce qui implique des mesures de surveillance plus soutenues, comme, d'être chaque nuit réveillées toutes les deux heures, lumières allumées et sommées de faire signe. Fouilles intensives et répétées. Ce statut, seules les prisonnières politiques basques l'ont à Fleury, et Isa l'avait eu aussi, en détention depuis bientôt un an sous le coup d'une procédure antiterroriste [cette personne est soupçonnée d'avoir posé un explosif sous une dépanneuse de la Préfecture de police de Paris, en mai 2007]. Les fouilles au corps, le mitard, les petites humiliations, le froid et la nourriture dégueulasse : le quotidien de la prison est fait pour écraser.

    Par un concours de circonstances favorables, Manon et moi sommes sorties assez rapidement. Circonstances favorables, c'est-à-dire : nous sommes blanches, issues de la classe moyenne, ayant eu l'opportunité de faire des études; grâce aussi à la multiplication des comités de soutien. Et puis, il y avait l'actualité, marquée par des événements révélateurs du climat politique actuel qui ne sont pas passés inaperçus (par exemple cette descente policière musclée dans un collège).

    Je dis "rapidement", par rapport aux détentions préventives qui durent, pour la plupart, des mois et des années. Qui durent, notamment, pour ceux pour qui ne jouent jamais ces "circonstances favorables". La plupart immigrés, voués au mépris de la police et des magistrats.

    Mais ce qui est encore séparé au-dehors arrive à se reconnaître entre les murs de la prison. Des solidarités se nouent dans l'évidence d'une hostilité commune. La radicalisation de la situation amène de plus en plus de gens à subir la répression et la détention. Des rafles dans les banlieues aux peines de plus en plus nombreuses pour des grévistes ou des manifestants lors de mouvements sociaux.

    Finalement, la prison est peut-être en passe de devenir un des rares lieux où s'opère la jonction tant redoutée par M. Sarkozy : "S'il y avait une connexion entre les étudiants et les banlieues, tout serait possible. Y compris une explosion généralisée et une fin de quinquennat épouvantable", avait-il dit en 2006.

Gabrielle Hallez, mise en examen dans l'affaire de Tarnac

(Cette lettre a été publiée sur le site du journal Le Monde)

Photo : L'appartement de Gabrielle H. après une nouvelle perquisition effectuée par les gendarmes et la SDAT le 27 novembre 2008.

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