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Comité stéphanois
autonomie
10 août 2009

"L'affaire de Tarnac" continue en allemagne

"Deux autonomes berlinois et une autre de Hambourg avaient reçu des invitations à comparaître en tant que témoins, respectivement les 16 et 17 juillet, dans l’affaire dite de « Tarnac ». Ils étaient invités à témoigner contre neuf camarades (les neuf de Tarnac) dans le cadre d’un complément d’enquête du tribunal de grande instance de Paris. En novembre 2008, neuf personnes avaient été arrêtées en France sur la base des lois antiterroristes après des actions de sabotages du réseau ferroviaire lors d’un transport de déchets nucléaires et en plein pendant une grève des cheminots français."

     Des manifestations étaient organisées à Berlin et Hambourg à l’occasion de ces invitations à comparaître. À Berlin, la cinquantaine de personnes qui s’étaient réunies devant l’ambassade de France ont eu la surprise de voir débarquer un singe jaune et fringant, de la taille d’un homme — un oran-outang —, une pancarte contre le transport de déchets nucléaires fixée sur le derrière. Celui-ci se joignit à la manifestation et d’une voix manifestement féminine, prit la parole. Un quart d’heure plus tard, alors qu’il s’apprêtait à quitter la manifestation, le singe fut arrêté. Le lecteur avisé s’en doutait peut-être : sous le déguisement se dissimulait l’un des témoins. Elle fut emmenée au siège de la police judiciaire régionale de Tempelhof où elle fut détenue durant plusieurs heures. Les participants à la manifestation prirent le même chemin pour soutenir les personnes qui devaient être auditionnées.

    En vertu du §55 du code pénal, le second témoin refusa de répondre aux questions du juge et fut libéré vers 16 heures sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. La personne arrêtée pendant la manifestation devait alors être entendue.

     Les deux juges allemands et les quatre juges français ont eu la surprise de la découvrir dans son costume de singe. Elle ne portait sous cet accoutrement que des sous-vêtements et les fonctionnaires préféraient encore un témoin au pelage jaune et ébouriffé qu’à moitié nue. C’est dans cette tenue qu’elle fit face durant deux heures aux juges ébahis et qu’elle refusa de faire toute déclaration.

    Tel est le récit d’une action réussie pouvant servir d’exemple quant au refus de se rendre à une convocation judiciaire. Il convient toujours de donner une réponse appropriée au théâtre étatique.

Allocutions prononcées lors du rassemblement devant l’ambassade de France :

     Mafia atomique franco-allemande : couper la liaison !!!

    Les pannes à répétition dans la centrale nucléaire de Krümmel soulignent aujourd’hui dans la presse ce qui est évident depuis des décennies pour le mouvement anti-nucléaire allemand et français : l’énergie atomique n’est pas contrôlable ! Le combat contre l’utilisation de l’énergie atomique, contre la construction de centrales nucléaires et l’exploitation d’uranium (au Canada par exemple), combat mené à de nombreux niveaux et par différents moyens, est un combat contre une technologie dangereuse pour la vie.

    La politique énergétique nucléaire au niveau international. La coopération franco-allemande en matière d’énergie nucléaire se distingue par une très longue tradition. C’est dans l’usine de retraitement de La Hague que sont conditionnés depuis les années 70 les déchets atomiques allemands avant leur transport par Castor jusqu’à Gorleben. Cela fait également trente ans que le groupe Siemens mène une collaboration étroite avec des groupes industriels français pour le développement et la construction de centrales nucléaires. L’entreprise d’État française EDF est l’actionnaire principal de EnBW, entreprise basée dans le sud de l’Allemagne et gérant plusieurs centrales nucléaires.

    Malgré de nombreuses pannes et accidents dans les centrales françaises, comme celles de Tricastin l’année dernière, ou celles de Krümmel près de Hambourg en ce moment, les groupes industriels et les gouvernements entendent poursuivre coûte que coûte et même étendre l’utilisation de l’énergie atomique bien que celle-ci soit dangereuse. Ainsi, le groupe nucléaire français Areva construit en France et en Chine de nouveaux réacteurs, le groupe allemand EON en construit en Finlande, tandis que RWE est responsable de la construction d’un modèle russe en Bulgarie. Dans ce cadre, la sécurité de la population est secondaire. La priorité des capitalistes va à la sécurisation de leurs profits : les Allemands construisent en Bulgarie un réacteur situé dans une région présentant d’importants risques sismiques. Depuis des décennies, toutes sortes de matières radioactives et toxiques sont déversées dans le site dit d’« enfouissement » de Asse, alors qu’il est de notoriété publique que des infiltrations d’eau le rendent complètement inapproprié à un tel usage.

    Dans le cas de la Bulgarie comme d’Asse, il est clair comme de l’eau de roche que les hommes et les femmes politiques et les scientifiques de l’industrie nucléaire ont été achetés. Et ce business vaut le coût pour la mafia nucléaire franco-allemande : rien que pour la poursuite de l’exploitation des 17 centrales nucléaires allemandes, les quatre groupes allemands du secteur de l’énergie tablent sur un profit de plus de 200 milliards d’euros. Pour y parvenir, l’industrie nucléaire, partout dans le monde, fait peu de cas des vies humaines. Pourtant, ce n’est pas cette énergie criminelle des groupes industriels qui est poursuivie par la justice franco-allemande. Non, au lieu de cela on criminalise des personnes parce que quelques crochets ont été jetés sur les lignes à haute tension du réseau ferré pour stopper enfin cette folie de la mafia nucléaire.

    La résistance internationale pousse les autorités hors du bois.

    En novembre dernier, alors que des déchets nucléaires allemands étaient convoyés par conteneurs de type castor depuis la France jusqu’à Gorleben en Basse-Saxe, des actions de protestation et de résistance ont eu lieu en France et en Allemagne. De nombreuses manifestations, des actions de blocages des voies ferrées et de sabotage des lignes ferroviaires en Allemagne et en France ont occasionné des dommages s’élevant à plusieurs millions d’euros. Plus d’un millier de trains ont été retardés. Ce n’est que grâce à un encadrement policier au coût exorbitant, et après plus de vingt heures de retard par rapport à l’itinéraire prévu, que le convoi a pu atteindre le site de stockage intermédiaire de Gorleben — site qui n’est rien d’autre qu’une grange à pommes de terre bien aérée.

    Côté allemand, des installations signalétiques avaient été mises hors d’usage. En France, des actions de sabotage des lignes à haute vitesse ont semé le chaos dans la circulation du week-end à la SNCF. Plusieurs trains ont dû s’arrêter, plus d’un millier ont connu des retards. À l’origine de cela, deux crochets suspendus à la ligne à haute tension séparant le trolley de l’alimentation électrique au passage du train. Dans un communiqué rédigé en allemand et envoyé notamment au journal Taz, les actions dans les deux pays sont expliquées de la manière suivante : « Parce que nous en avons assez, nous avons au petit matin dirigé notre colère contre le réseau de transport de déchets nucléaires ». Peu après, une grande vague de perquisitions et d’arrestations est menée dans le petit village de Tarnac et dans d’autres endroits. Neuf personnes sont arrêtées, certaines d’entre elles sont maintenues pendant des mois en détention provisoire.

    Les autorités françaises et une partie des médias parlent sans aucune retenue de terrorisme et établissent un lien avec les enquêtes contre une soi-disant « mouvance anarcho-autonome », label sous lequel il avait été procédé à de nombreuses arrestations en France depuis janvier 2008. À l’origine, des actions contre les centres de rétention, la participation aux mouvements d’opposition à la réforme de l’éducation — très forts en France — ainsi qu’aux manifestations consécutives à l’élection présidentielle. Dans ce contexte, un petit livre dont l’un des inculpés est soupçonné d’être co-auteur a aussi semé l’émoi. Intitulée L’insurrection qui vient, cette œuvre parle de rébellion contre un présent aussi irréel que désolant et lance un appel à se préparer concrètement à une révolte imminente. Les autorités réagissent à ce livre avec beaucoup de nervosité. Elles tirent le signal d’alarme quand des hommes et des femmes créent des réseaux internationaux pour s’opposer à la folie atomique, climatique et capitaliste avec tout ce qu’elle impose. Ce que nous considérons comme pure nécessité, la partie adverse l’appelle en choisissant ses mots « terrorisme », « Internationale de la révolte » ou actions de brutaux casseurs.

    En Italie aussi, peu avant le sommet du G8 des tenants du pouvoir résolus à décider entre eux de la politique mondiale, deux camarades ont été incarcérés pour tentatives de sabotage des lignes ferroviaires avec des crochets. Eux aussi sont soupçonnés d’appartenir avec 35 autres personnes à une « Internationale de la révolte ». Nous les saluons ainsi que tous ceux qui ne veulent laisser aucun répit !

    L’enquête en France se poursuit. Toutes les personnes concernées ont été relâchées — tout en restant soumises à des obligations très strictes comme l’interdiction d’avoir des contacts entre elles, des assignations à résidence etc. — ou elles s’étaient soustraites à leur arrestation. La tenue d’un procès n’est pas encore fixée.

    L’amitié franco-allemande contre les enquêtes franco-allemandes.

    Pour ce qui est de l’affaire de Tarnac et des actions de sabotages contre les lignes ferroviaires pendant le transport par Castor, les autorités françaises saisies de l’enquête entendent manifestement poursuivre leurs investigations en Allemagne. Deux autonomes berlinois ont reçu les invitations d’un juge à être entendus ici comme témoins dans le cadre d’un complément d’enquête venant de France. Un rapport de la police anti-terroriste française sur l’affaire de Tarnac du début de l’année mentionnait déjà ces deux personnes. Le passage correspondant évoque la pratique largement répandue en Allemagne de sabotage des transports de déchets nucléaires à l’aide de crochets. Les autorités allemandes ont informé leurs collègues français d’une procédure d’enquête baptisée « les crochets dorés » et levée depuis longtemps, procédure incriminant entre autres les deux personnes invitées à être entendues aujourd’hui. Une autre personne doit être prochainement entendue à Hambourg. Les deux militants anti-nucléaires de Berlin ne feront aucune déclaration. Ils ne souhaitent fournir aux autorités aucune information que ce soit pour l’enquête contre la résistance anti-nucléaire et contre ceux que l’on érige en mouvement criminel parce qu’ils s’engagent contre une politique criminelle. Nous vous invitons au contraire à accompagner les deux personnes au tribunal de Tempelhofer Damm. Nous nous saisissons de l’occasion qui ne nous est pas librement offerte pour faire part en ce jour d’invitation judiciaire, depuis un Berlin encore bien trop calme, de notre solidarité avec les camarades de Tarnac.

    Montrer les griffes au système – ici, là et ailleurs : ils ne passeront pas ! Notre solidarité contre la répression ! Nos luttes contre leur politique ! Solidarité !

berlin_le_singe_en_jauneblogCe que le singe a dit avant son arrestation :

    « Je suis ce que je suis » — telle est la dernière offre de la publicité au monde. Des décennies de développement pour en arriver là où nous sommes. Une pure tautologie. « Je suis ce que je suis. » Mon corps m’appartient. Je suis moi, et tu es toi, et quelque chose ne va pas.

    Quelle que soit la perspective sous laquelle on l’envisage, le présent n’offre aucune issue. Nous sommes tous d’accord sur le fait que les choses ne peuvent qu’empirer. « L’avenir n’a pas d’avenir », telle est la sagesse d’une époque qui, dans sa normalité parfaite, atteint le niveau de conscience des premiers punks. Enfin !

    Nous sommes ici aux côtés de nos amiEs dont l’État français, sous le label de « mouvance anarcho-autonome », veut la peau. Et deux d’entre nous devraient les y aider ? En tant que témoins ? Mais ils ne vont pas bien ! Jamais ! Nous sommes ici devant l’ambassade parce que nous avons un message à transmettre : pas à l’État, pas à la justice. À nos amiEs et à tous ceux qui se sentent reliés à eux. Ce qui nous relie, c’est de ne pas nous adresser à la politique dominante, de ne pas la critiquer, de ne vouloir l’aider d’aucune manière à s’améliorer. Nous voulons l’abolir et avec elle, toute l’administration destructrice du monde, parce c’est notre vie, et que nous allons la reconquérir.

    Comme nos amiEs, nous nous en tenons à ce que tous savent et dont personne ne souhaite vraiment parler — que cela ne CONTINUERA pas comme cela, que cet ordre mondial basé depuis 500 ans sur le meurtre et le pillage de l’humanité et de la nature fonce droit dans le mur : économiquement, écologiquement, socialement, mentalement, c’est-à-dire à tous les niveaux.

    On ne peut plus continuer à s’agiter, à produire des preuves. Les preuves elles-mêmes sont depuis longtemps une marchandise, une fin en soi préservant le système, une stratégie d’évitement de toute conséquence logique et éthique. Avec les médias révélant sans cesse les mêmes terribles destins et un public sans cesse capable de faire comme s’il découvrait pour la première fois l’horreur des noyades des réfugiés, des villes bombardées, de la catastrophe climatique — pour affoler brièvement, s’assurer de la fatalité de la situation et de sa propre impuissance, avant de retourner en toute quiétude à leurs affaires — personne ne doute plus sérieusement que ceci ne sera plus possible bien longtemps. Ça va péter !

    Ça va péter !

    Et tout à coup, il y a à nouveau des livres dangereux. L’un d’entre eux, L’insurrection qui vient, fait en ce moment l’objet d’une lecture attentive de la part des autorités sécuritaires françaises. Dans le bourbier réactionnaire des États-Unis, il soulève une indignation de premier ordre. Ces livres parlent de rupture avec l’ambiance apocalyptique quotidienne de la modernité finissante et du combat pour notre vie. D’en finir avec l’activisme poussif de la gauche traditionnelle et plus loin, de commencer aujourd’hui à se révolter.

    L’insurrection qui vient commence par les castrations nous maintenant dans le chœur de ceux qui s’époumonent d’autant plus haut dans les aigus sur le psaume de « There is no alternative », que tout le blabla insensé sur la valorisation craque de toute part sans qu’on ne l’entende et que des voix enfin claires sont audibles dans la rue. Il ne persiste pas dans sa représentation de la misère. S’il la décrit, c’est au contraire pour nous permettre de nous y reconnaître nous-même, d’y reconnaître nos propres expériences et notre égarement. Il ne s’agit pas d’une explication mais de résonance. De se trouver et de développer une langue commune qui ne soit pas plus longtemps compatible avec le commando. Quiconque se retrouve dans le vide décrit, dans le déchirement et la désolation, et souhaite en finir avec cela, est invité à continuer à réfléchir à la manière de venir à bout de la misère.

    L’insurrection qui vient constitue une proposition stratégique pratique. Il prend pour cible la fragilité interne du régime, fragilité dissimulée par toutes les forces du pouvoir. Malgré une stabilité toute apparente, celui-ci continue en effet à dépendre aujourd’hui comme hier de la motivation des travailleurs et de ce qu’aucune clé à écrous ne tombe dans ses rouages. Sa vulnérabilité à ce niveau a encore cru ces dernières années. Elle réside dans les cadences élevées de la production just-in-time, des réseaux d’énergie et de transport, des flux d’information.

    Il s’agit de reconnaître sa propre force dans les faiblesses de l’adversaire, de réfléchir aux possibilités de se soustraire à cet appareil en roue libre afin de s’engager ensemble pour quelque chose de meilleur. Pour créer des liens entre bandes combatives se gardant de reproduire les erreurs du passé : elles savent la nécessité pour la préparation d’actes de sabotage de construire des structures propres. Parce que les supermarchés ne pourront être pillés qu’aussi longtemps qu’il y a encore quelque chose à l’intérieur, la carotte est nécessaire autant que le poing, le combat contre l’existant doit s’accompagner de la recherche pratique d’un tout radicalement autre. Des bandes combatives reconnaissant dans la liberté des uns la colonne vertébrale des groupes — et réciproquement.

    Des groupes se reliant les uns aux autres, qui veulent tout absolument au même moment et refusent clairement tout atermoiement. Reconnaître pour condition le fait que nous vivons au cœur d’une guerre sociale globale dans laquelle nous devons prendre position d’une façon ou d’une autre. Alors pourquoi ne pas oser un nouveau départ, ne pas tenter d’organiser notre vivre ensemble sur cette planète de façon à ce que chacun en retire quelque chose ? Plus sérieusement : y-a-t il encore un quelconque argument en faveur de la conservation de l’expérience ratée du capitalisme ?

    Comparé à la détermination avec laquelle les communautés indiennes bloquent les voleurs de ressources naturelles au Pérou, comparé à la froide menace des ouvriers français de faire sauter leur entreprise en faillite s’il n’obtiennent pas quelques ronds pour la suite de la vie, comparé au réalisme d’émeutes dépourvues de revendications et pas seulement celles de la jeunesse pauvre de la métropole, comparé à tous ces managers de crises de l’Empire avec leurs sèches paroles d’encouragement déjà dépassées aujourd’hui tels les porteurs de perruques poudrés de l’ancien régime — on ne peut que déplorer qu’ils soient aussi bien armés.

    Pourtant, l’insurrection qui vient est peut-être la moins sanglante de toutes les possibilités envisageables…

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21 juin 2009

Deux ou trois choses que j'avais à vous dire, par Yldune Lévy

C'est un homme, dans un bureau, comme tant d'autres hommes dans tant d'autres bureaux auxquels il ressemble sans ressembler à rien. Celui-là dispose d'un pouvoir spécial, certainement dû au fait que son bureau occupe le dernier étage d'une quelconque tour d'un palais de justice.

 

 

On dit qu'il instruit, qui ? quoi ? Il instruit. Il écroue. Il interroge. Il rend des ordonnances, de pâles ordonnances, où quelques articles de loi, une poignée de formules convenues et de considérations vagues se concluent par d'impénétrables mesures de contrôle judiciaire. Benjamin, certainement trop apprécié comme épicier à Tarnac, sera assigné à résidence chez sa mère en Normandie, où il n'a jamais vécu, à 30 ans. Manon et moi, qui partagions tout à Fleury, n'avons plus le droit de nous voir maintenant que nous sommes "libres". Julien peut se mouvoir dans toute la couronne parisienne, non traverser Paris, au cas où lui viendrait la tentation de prendre d'assaut l'Hôtel de Ville, sans doute.

 

 

Tel ami qui le visitait au parloir de la Santé doit se garder de le croiser désormais, sous peine de réincarcération. L'homme au bureau construit un dédale de murs invisibles, un labyrinthe d'impossibilités factices où nous sommes censés nous perdre, et perdre la raison. Il y a un ordre dans cet écheveau d'absurdités, une politique de désorientation sous les accents neutres du judiciaire.

 

 

On nous libère en prétextant qu'il n'y a pas de "risque de concertation frauduleuse" pour ensuite nous interdire de nous voir et nous exiler ici ou là, loin de Tarnac. On autorise un mariage tout en en faisant savamment fuiter le lieu et la date. On fragnole (1), à coup sûr, mais pas seulement.

 

 

C'est par ses incohérences qu'un ordre révèle sa logique. Le but de cette procédure n'est pas de nous amener à la fin à un procès, mais, ici et maintenant, et pour le temps qu'il faudra, de tenir un certain nombre de vies sous contrôle. De pouvoir déployer contre nous, à tout instant, tous les moyens exorbitants de l'antiterrorisme pour nous détruire, chacun et tous ensemble, en nous séparant, en nous assignant, en starifiant l'un, en faisant parler l'autre, en tentant de pulvériser cette vie commune où gît toute puissance.

 

 

La procédure en cours ne produit qu'incidemment des actes judiciaires, elle autorise d'abord à briser des liens, des amitiés, à défaire, à piétiner, à supplicier non des corps, mais ce qui les fait tenir : l'ensemble des relations qui nous constituent, relations à des êtres chers, à un territoire, à une façon de vivre, d'oeuvrer, de chanter. C'est un massacre dans l'ordre de l'impalpable. Ce à quoi s'attaque la justice ne fera la "une" d'aucun journal télévisé : la douleur de la séparation engendre des cris, non des images. Avoir "désorganisé le groupe", comme dit le juge, ou "démantelé une structure anarcho-autonome clandestine", comme dit la sous-direction antiterroriste, c'est dans ces termes que se congratulent les tristes fonctionnaires de la répression, grises Pénélope qui défont le jour les entités qu'ils cauchemardent la nuit.

 

 

Poursuivis comme terroristes pour détention de fumigènes artisanaux au départ d'une manifestation, Ivan et Bruno ont préféré, après quatre mois de prison, la cavale à une existence sous contrôle judiciaire. Nous acculer à la clandestinité pour simplement pouvoir serrer dans nos bras ceux que nous aimons serait un effet non fortuit de la manoeuvre en cours.

 

 

Ladite "affaire de Tarnac", l'actuelle chasse à l'autonome ne méritent pas que l'on s'y attarde, sinon comme machine de vision. On s'indigne, en règle générale, de ce que l'on ne veut pas voir. Mais ici pas plus qu'ailleurs il n'y a lieu de s'indigner. Car c'est la logique d'un monde qui s'y révèle. A cette lumière, l'état de séparation scrupuleuse qui règne de nos jours, où le voisin ignore le voisin, où le collègue se défie du collègue, où chacun est affairé à tromper l'autre, à s'en croire le vainqueur, où nous échappe tant l'origine de ce que nous mangeons, que la fonction des faussetés, dont les médias pourvoient la conversation du jour, n'est pas le résultat d'une obscure décadence, mais l'objet d'une police constante.

 

 

Elle éclaire jusqu'à la rage d'occupation policière dont le pouvoir submerge les quartiers populaires. On envoie les unités territoriales de quartier (UTEQ) quadriller les cités ; depuis le 11 novembre 2008, les gendarmes se répandent en contrôles incessants sur le plateau de Millevaches. On escompte qu'avec le temps la population finira par rejeter ces "jeunes" comme s'ils étaient la cause de ce désagrément. L'appareil d'Etat dans tous ses organes se dévoile peu à peu comme une monstrueuse formation de ressentiment, d'un ressentiment tantôt brutal, tantôt ultrasophistiqué, contre toute existence collective, contre cette vitalité populaire qui, de toutes parts, le déborde, lui échappe et dans quoi il ne cesse de voir une menace caractérisée, là où elle ne voit en lui qu'un obstacle absurde, et absurdement mauvais.

 

 

Mais que peut-elle, cette formation ? Inventer des "associations de malfaiteurs", voter des "lois anti-bandes", greffer des incriminations collectives sur un droit qui prétend ne connaître de responsabilité qu'individuelle. Que peut-elle ? Rien, ou si peu. Abîmer à la marge, en neutraliser quelques-uns, en effrayer quelques autres. Cette politique de séparation se retourne même, par un effet de surprise : pour un neutralisé, cent se politisent ; de nouveaux liens fleurissent là où l'on s'y attendait le moins ; en prison, dans les comités de soutien se rencontrent ceux qui n'auraient jamais dû ; quelque chose se lève là où devaient régner à jamais l'impuissance et la dépression. Troublant spectacle que de voir la mécanique répressive se déglinguer devant la résistance infinie que lui opposent l'amour et l'amitié. C'est une infirmité constitutive du pouvoir que d'ignorer la joie d'avoir des camarades. Comment un homme dans l'Etat pourrait-il comprendre qu'il n'y a rien de moins désirable, pour moi, que d'être la femme d'un chef ?

 

 

Face à l'état démantelé du présent, face à la politique étatique, je n'arrive à songer, dans les quartiers, dans les usines, dans les écoles, les hôpitaux ou les campagnes, qu'à une politique qui reparte des liens, les densifie, les peuple et nous mène hors du cercle clos où nos vies se consument. Certains se retrouveront à la fontaine des Innocents à Paris, ce dimanche 21 juin, à 15 heures. Toutes les occasions sont bonnes pour reprendre la rue, même la Fête de la musique.

 

 

 

 

 

Etudiante, Yldune Lévy est mise en examen dans l'"affaire de Tarnac".

 

 

(1) Il manque assurément au vocabulaire français un verbe pour désigner la passion que met un assis à rendre, par mille manœuvres minuscules, la vie impossible aux autres. Je propose d'ajouter pour combler cette lacune à l'édition 2011 du Petit Robert le verbe "fragnoler" d'où découlent probablement le substantif "fragnolage", l'adjectif "fragnolesque" et l'expression argotique "T'es fragno !" dont l'usage est attesté et ne cesse de se répandre.

 

21 juin 2009

Deux ou trois choses que j'avais à vous dire, par Yldune Lévy

C'est un homme, dans un bureau, comme tant d'autres hommes dans tant d'autres bureaux auxquels il ressemble sans ressembler à rien. Celui-là dispose d'un pouvoir spécial, certainement dû au fait que son bureau occupe le dernier étage d'une quelconque tour d'un palais de justice.

 

On dit qu'il instruit, qui ? quoi ? Il instruit. Il écroue. Il interroge. Il rend des ordonnances, de pâles ordonnances, où quelques articles de loi, une poignée de formules convenues et de considérations vagues se concluent par d'impénétrables mesures de contrôle judiciaire. Benjamin, certainement trop apprécié comme épicier à Tarnac, sera assigné à résidence chez sa mère en Normandie, où il n'a jamais vécu, à 30 ans. Manon et moi, qui partagions tout à Fleury, n'avons plus le droit de nous voir maintenant que nous sommes "libres". Julien peut se mouvoir dans toute la couronne parisienne, non traverser Paris, au cas où lui viendrait la tentation de prendre d'assaut l'Hôtel de Ville, sans doute.

 

Tel ami qui le visitait au parloir de la Santé doit se garder de le croiser désormais, sous peine de réincarcération. L'homme au bureau construit un dédale de murs invisibles, un labyrinthe d'impossibilités factices où nous sommes censés nous perdre, et perdre la raison. Il y a un ordre dans cet écheveau d'absurdités, une politique de désorientation sous les accents neutres du judiciaire.

 

On nous libère en prétextant qu'il n'y a pas de "risque de concertation frauduleuse" pour ensuite nous interdire de nous voir et nous exiler ici ou là, loin de Tarnac. On autorise un mariage tout en en faisant savamment fuiter le lieu et la date. On fragnole (1), à coup sûr, mais pas seulement.

 

C'est par ses incohérences qu'un ordre révèle sa logique. Le but de cette procédure n'est pas de nous amener à la fin à un procès, mais, ici et maintenant, et pour le temps qu'il faudra, de tenir un certain nombre de vies sous contrôle. De pouvoir déployer contre nous, à tout instant, tous les moyens exorbitants de l'antiterrorisme pour nous détruire, chacun et tous ensemble, en nous séparant, en nous assignant, en starifiant l'un, en faisant parler l'autre, en tentant de pulvériser cette vie commune où gît toute puissance.

 

La procédure en cours ne produit qu'incidemment des actes judiciaires, elle autorise d'abord à briser des liens, des amitiés, à défaire, à piétiner, à supplicier non des corps, mais ce qui les fait tenir : l'ensemble des relations qui nous constituent, relations à des êtres chers, à un territoire, à une façon de vivre, d'oeuvrer, de chanter. C'est un massacre dans l'ordre de l'impalpable. Ce à quoi s'attaque la justice ne fera la "une" d'aucun journal télévisé : la douleur de la séparation engendre des cris, non des images. Avoir "désorganisé le groupe", comme dit le juge, ou "démantelé une structure anarcho-autonome clandestine", comme dit la sous-direction antiterroriste, c'est dans ces termes que se congratulent les tristes fonctionnaires de la répression, grises Pénélope qui défont le jour les entités qu'ils cauchemardent la nuit.

 

Poursuivis comme terroristes pour détention de fumigènes artisanaux au départ d'une manifestation, Ivan et Bruno ont préféré, après quatre mois de prison, la cavale à une existence sous contrôle judiciaire. Nous acculer à la clandestinité pour simplement pouvoir serrer dans nos bras ceux que nous aimons serait un effet non fortuit de la manoeuvre en cours.

 

Ladite "affaire de Tarnac", l'actuelle chasse à l'autonome ne méritent pas que l'on s'y attarde, sinon comme machine de vision. On s'indigne, en règle générale, de ce que l'on ne veut pas voir. Mais ici pas plus qu'ailleurs il n'y a lieu de s'indigner. Car c'est la logique d'un monde qui s'y révèle. A cette lumière, l'état de séparation scrupuleuse qui règne de nos jours, où le voisin ignore le voisin, où le collègue se défie du collègue, où chacun est affairé à tromper l'autre, à s'en croire le vainqueur, où nous échappe tant l'origine de ce que nous mangeons, que la fonction des faussetés, dont les médias pourvoient la conversation du jour, n'est pas le résultat d'une obscure décadence, mais l'objet d'une police constante.

 

Elle éclaire jusqu'à la rage d'occupation policière dont le pouvoir submerge les quartiers populaires. On envoie les unités territoriales de quartier (UTEQ) quadriller les cités ; depuis le 11 novembre 2008, les gendarmes se répandent en contrôles incessants sur le plateau de Millevaches. On escompte qu'avec le temps la population finira par rejeter ces "jeunes" comme s'ils étaient la cause de ce désagrément. L'appareil d'Etat dans tous ses organes se dévoile peu à peu comme une monstrueuse formation de ressentiment, d'un ressentiment tantôt brutal, tantôt ultrasophistiqué, contre toute existence collective, contre cette vitalité populaire qui, de toutes parts, le déborde, lui échappe et dans quoi il ne cesse de voir une menace caractérisée, là où elle ne voit en lui qu'un obstacle absurde, et absurdement mauvais.

 

Mais que peut-elle, cette formation ? Inventer des "associations de malfaiteurs", voter des "lois anti-bandes", greffer des incriminations collectives sur un droit qui prétend ne connaître de responsabilité qu'individuelle. Que peut-elle ? Rien, ou si peu. Abîmer à la marge, en neutraliser quelques-uns, en effrayer quelques autres. Cette politique de séparation se retourne même, par un effet de surprise : pour un neutralisé, cent se politisent ; de nouveaux liens fleurissent là où l'on s'y attendait le moins ; en prison, dans les comités de soutien se rencontrent ceux qui n'auraient jamais dû ; quelque chose se lève là où devaient régner à jamais l'impuissance et la dépression. Troublant spectacle que de voir la mécanique répressive se déglinguer devant la résistance infinie que lui opposent l'amour et l'amitié. C'est une infirmité constitutive du pouvoir que d'ignorer la joie d'avoir des camarades. Comment un homme dans l'Etat pourrait-il comprendre qu'il n'y a rien de moins désirable, pour moi, que d'être la femme d'un chef ?

 

Face à l'état démantelé du présent, face à la politique étatique, je n'arrive à songer, dans les quartiers, dans les usines, dans les écoles, les hôpitaux ou les campagnes, qu'à une politique qui reparte des liens, les densifie, les peuple et nous mène hors du cercle clos où nos vies se consument. Certains se retrouveront à la fontaine des Innocents à Paris, ce dimanche 21 juin, à 15 heures. Toutes les occasions sont bonnes pour reprendre la rue, même la Fête de la musique.

 

 

 

Etudiante, Yldune Lévy est mise en examen dans l'"affaire de Tarnac".

 

(1) Il manque assurément au vocabulaire français un verbe pour désigner la passion que met un assis à rendre, par mille manœuvres minuscules, la vie impossible aux autres. Je propose d'ajouter pour combler cette lacune à l'édition 2011 du Petit Robert le verbe "fragnoler" d'où découlent probablement le substantif "fragnolage", l'adjectif "fragnolesque" et l'expression argotique "T'es fragno !" dont l'usage est attesté et ne cesse de se répandre.

2 mai 2009

La bande à Baader et débat au cinéma Le France

Affiche_Baader01blog

21 mars 2009

Message d'Ivan

    Aux camarades et amis,

    J’étais convoqué mercredi avec la prison garantie à la fin de l’interrogatoire. Je veux vous adresser quelques mots au moment où je suis contraint de disparaître, à chavirer le cours de ma vie, engluée au TGI de Paris. C’est la veille du jours où je pensais voir mon CJ descendre d’un cran, important, celui de l’assignation à résidence, que j’ai appris que des rapports de police bidonnés me signalaient à des manifs et rassemblements de solidarité avec Farid (surnom), réincarcéré depuis hier mercredi 11 à la Santé. Les procureurs voulaient nous voir enfermés tout comme la juge d’instruction qui nous avait promis la taule à la prochaine infraction de CJ. J’ai choisi de leur échapper.

    Que dire de cet acharnement, sinon que le CJ au-delà de tenir à disposition de la Justice, leur permet de sanctionner bien au-delà des faits jusqu’à nos attitudes. Et les juges d’argumenter sur la base de commentaires psychanalysant d’une assistante sociale à la fonction de contrôle ainsi explicitée :

    Que c’est de ne pas avoir renoncé à participer aux luttes qui nous traversent que la Justice se venge.

     Qu’aussi, les juges antiterro cherchent à tout prix des éléments pour justifier que nous figurions, avec mes co-mis en examen, dans une même association de malfaiteurs malgré l’absence de faits à nous reprocher en commun, et faire exister la figure de "l’anarcho-autonome". Et faire peser la menace d’une répression sans frein sur tous ceux qui se battent.

    C’est avec autant de joie que de douleur que je me soustrais à la fois à leur décision et à la vie que je menais. Je ne compte pas me cacher trop longtemps, ni même trop me cacher.

    A bientôt.

Yvan

Rappel des faits : Depuis janvier 2008, sept personnes sont mises en examen dans le cadre d’une instruction antiterroriste. Bruno, Ivan, Isa*, Farid*, Juan* (*surnoms) et Damien ont été successivement arrêté-e-s, mis-es en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", réunie au sein d’un groupe inventé par la police : la MAAF (Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne.) Certains d’entre neux sont accusés de "transport et détention de produits incendiaires ou explosifs", d’autres de "tentative de destruction de bien". Bruno et Ivan ont fait quatre mois et demi de prison (en préventive de mi-janvier à début juin 2008.) Farid a fait un peu plus de quatre mois de prison (en préventive également de mi-janvier à fin mai 2008) Tous trois ont été placés à leur sortie sous contrôle judiciaire. Bruno a décidé, début juillet 2008, de se soustraire à ce contrôle et est toujours en fuite. Isa, également incarcérée en janvier 2008, a été libérée sous contrôle judiciaire le 10 février 2009, plus d’un an après... Son frère, Juan, a été incarcéré en juin 2008. Il se trouve actuellement à la prison de Bois d’Arcy. Damien est emprisonné à Villepinte depuis le mois d’août 2008. Tous deux sont en préventive et aucune date de procès n’est fixée.

Source : Soutien aux inculpés du 11 novembre

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16 mars 2009

Sur les facs, créons des comités de lutte

Texte en circulation sur la fac du Mirail à Toulouse

    Nous ne souhaitons pas lutter contre une énième réforme mais bien contre le marché qui étend son emprise sur nos facs et sur nos vies. Nous combattons une logique -- celle du capitalisme et non son image médiatique, la réforme gouvernementale -- considérant qu'une lutte particulière contre un gouvernement particulier constitue une impasse. Nous ne voulons pas plus "sauver notre éducation", celle-ci est morte et enterrée. Nous ne perdrons pas notre cohérence, notre temps et notre énergie à vouloir sauver le cadavre de l'université bourgeoise.

    En analysant les différentes expériences de luttes passées, nous tirons un bilan clair. En premier lieu nous constatons l'impuissance des Assemblées Générales à être de véritables lieux de débats : elles ont le don de fatiguer et d'irriter les personnes désirant lutter, quant aux réactionnaires elles leur fournissent sans cesse de la matière à casser le mouvement. Ces assemblées monstres tendent à confisquer au lieu de "libérer la parole" au profit des seuls professionnels de la luttes, syndiqués ou non.

    Il est clair que ces assemblées doivent rester le lieu des décisions collectives, néanmoins il apparaît essentiel que les décisions se prennent au terme des débats. Pour permettre une conscientisation collective favorable à la lutte, nous pensons qu'il faut rassembler les individus dans des comités à taille humaine.

    Ces structures ce sont les comités de base : par département ou simplement par affinité. Chacun peut ensuite se rendre à l'AG en faisant remonter les idées, propositions, décisions prises à la base.

    L'avenir des luttes est dans l'auto-organisation de telles structures. Des expériences similaires ont déjà vu le jour, il ne tient qu'à nous d'amplifier le mouvement.

    Constituons dès maintenant des groupes affinitaires et des groupes de résistance populaire autonome afin de ne pas se perdre dans l'anonymat des ces assemblées monstres où seuls les syndicats de tout bord monopolisent le micro !

    Pour une autogestion de la fac, de nos luttes et de nos vies !

Des étudiants de l'Université de Toulouse - Le Mirail

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