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Comité stéphanois

19 février 2010

Arrestations de plusieurs personnes à Paris

Communiqué du 15 février 2010.
Arrestations de plusieurs personnes à Paris.

Aujourd'hui, à 6h30 du matin, plusieurs arrestations et perquisitions ont eu lieu à différents domiciles par la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres. Nous sommes sûrs que cinq personnes ont été arrêtées (peut-être plus?) et il semblerait que les flics soient à la recherche d'autres personnes.
Ce soir, ils sont toujours en garde à vue.

Sans connaître précisèment les chefs d'inculpation, on peut supposer que ces arrestations répondent aux effets d'annonce parus dans les médias il y a de ça trois semaines. Au 2e jour du procès des inculpés de l'incendie du centre de rétention de Vincennes, certains journaux accusaient "l'ultra-gauche" de dégradations de dizaines de distributeurs de banques notoirement connues pour avoir dénoncé des sans-papiers aux flics. Rappelons qu'un certain nombre d'initiatives ont eu lieu en France autour du procès et contre la machine à expulser : manifestations, sabotages, discussions, repas, tags et projections...(http://nantes.indymedia.org/article/19599)

Pendant les perquisitions, les flics ont eu l'air de chercher particulièrement des tracts en rapport avec les luttes de sans-papiers et contre la machine à expulser. Et, ils ont saisi des vêtements, des ordinateurs, et des téléphones portables.

HARCELONS FRANCK SOUCI (officier qui s'occupe de l'affaire) EN APPELANT AU STANDARD DU 36 QUAI DES ORFEVRES : 01.77.72.01.17 POUR DEMANDER LA LIBERATION DE NOS CAMARADES.

LIBERTE POUR TOUTES ET TOUS, AVEC OU SANS PAPIERS

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18 février 2010

Z, revue itinérante de critique sociale

Z__revue_itin_rante

3 février 2010

Nouvelle enquête de l'anti-terrorisme autour du CPE

    Une vieille enquête sur des sabotages SNCF pendant le mouvement anti-CPE passe en antiterrorisme ; un réquisitoire vise une personne déjà mise en cause par l’État dans l’affaire de la dépanneuse de police lors des émeutes qui ont suivi les élections présidentielles de mai 2007.

    Fin août 2009, le juge d’instruction antiterroriste Brunaud, qui s’occupe de l’affaire de janvier 2008 (fumigènes, dépanneuse… ; pour rappel, voir Mauvaises_intentions), décide de commencer à clore cette enquête. S’ensuit alors, comme habituellement, une période de quelques mois pendant laquelle les différentes parties (inculpés et procureur) peuvent faire des observations et demander de nouveaux actes d’enquête. Cette période est censée durer trois mois mais, lorsque personne n’est en prison, les juges ne respectent pas les délais.

    Récemment, nous avons appris que le procureur avait demandé un «réquisitoire supplétif». L’enquête est donc toujours ouverte : l’instruction n’a finalement pas été close.

    Ainsi, le 10 décembre 2009, le procureur a demandé à ce que soient effectués de nouveaux actes d’enquête, dont le contenu vient d’être connu. Le procureur met en avant différents éléments.

    En septembre 2009, un rapport indique que l’ADN de Juan (inculpé pour l’histoire de la dépanneuse) aurait été prélevé sur une paire de gants en latex qui aurait été trouvée non loin des lieux d’une tentative d’incendie contre la SNCF, datant du 12 avril 2006, à Paris 19e.

    Le procureur relève contre Juan, et contre «tous autres», des «présomptions graves» de détention et transport d’éléments incendiaires, de tentative de dégradation, de dégradation et d’association de malfaiteurs ; le tout en relation avec une entreprise terroriste.

    Cette enquête sur le 12 avril s’inscrit dans le cadre d’une enquête plus large concernant des dégradations contre la SNCF en bande organisée (concrètement, des incendies sur des installations électriques gérant le trafic des trains). L’enquête comprend différents faits, tous s’inscrivant dans le mouvement anti-CPE :

— Le 29 mars 2006 à Alfortville, Orly, Villemoison-sur-Orge et Champlan ;
— Le 6 avril 2006 à Wissous, Sarcelles, Épinay-sous-Sénart et Bobigny ;
— Le 12 avril 2006 à Paris.

    L’enquête qui regroupe tous ces faits était ouverte depuis 2006. Fin novembre 2009, elle bascule en antiterrorisme, et est donc aujourd’hui gérée par un juge antiterroriste à Paris.

    Mettant en avant ces arguments, le procureur demande au juge de :

— Faire de nouvelles analyses téléphoniques ;
— Comparer les modes opératoires utilisés en mars avril 2006 et celui du 2 mai 2007 (affaire de la dépanneuse de police) ;
— Comparer ces modes de fabrication à ceux décrits dans les livres saisis dans la voiture lors de l’arrestation d’Isa en janvier 2008 ;
— Effectuer des comparaisons ADN concernant Juan ;
— Procéder à des expertises psychiatriques sur Isa, Juan et Damien (les trois personnes déjà accusées pour l’histoire de la dépanneuse).

    Une commission rogatoire est en cours : les flics sont en train d’enquêter. À ce jour, il n’y a pas encore de retour. Plus d’infos bientôt sans doute.

Solidarité !

Source : Indymédia et le jura libertaire

27 janvier 2010

Anti-terrorisme et CPE

Une vieille enquête sur des sabotages SNCF pendant le mouvement anti-CPE passe en antiterrorisme ; un réquisitoire vise une personne.

Fin août 2009, le juge d’instruction antiterroriste Brunaud, qui s’occupe de l’affaire de janvier 2008 (fumigènes, dépanneuse… pour rappel, voir
http://infokiosques.net/mauvaises_intentions ), décide de commencer à clore cette enquête. S’ensuit alors, comme habituellement, une période de quelques mois pendant laquelle les différentes parties (inculpés et procureur) peuvent faire des observations et demander de nouveaux actes d’enquête. Cette période est censée durer trois mois mais, lorsque personne n’est en prison, les juges ne respectent pas les délais. Récemment, nous avons appris que le procureur avait demandé un « réquisitoire supplétif ». L’enquête est donc toujours ouverte : l’instruction n’a finalement pas été close.

Ainsi, le 10 décembre 2009, le procureur a demandé à ce que soient effectués de nouveaux actes d’enquête, dont le contenu vient d’être connu. Le procureur met en avant différents éléments. En septembre 2009, un rapport indique que l’ADN de Juan (inculpé pour l’histoire de la dépanneuse) aurait été prélevé sur une paire de gants en latex qui aurait été trouvée non loin des lieux d’une tentative d’incendie contre la SNCF, datant du 12 avril 2006, à Paris 19ème. Le procureur relève contre Juan, et contre « tous autres », des « présomptions graves » de détention et transport d’éléments incendiaires, de tentative de dégradation, de dégradation et d’association de malfaiteurs ; le tout en relation avec une entreprise terroriste. Cette enquête sur le 12 avril s’inscrit dans le cadre d’une enquête plus large concernant des dégradations contre la SNCF en bande organisée (concrètement, des incendies sur des installations électriques gérant le trafic des trains). L’enquête comprend différents faits, tous s’inscrivant dans le mouvement anti-CPE :

- le 29 mars 2006 à Alfortville, Orly, Villemoison sur Orge et Champlan
- le 6 avril 2006 à Wissous, Sarcelles, Epinay sous Sénart et Bobigny
- le 12 avril 2006 à Paris L’enquête qui regroupe tous ces faits était ouverte depuis 2006. Fin novembre 2009, elle bascule en antiterrorisme, et est donc aujourd’hui gérée par un juge antiterroriste à Paris.

Mettant en avant ces arguments, le procureur demande au juge de :

- faire de nouvelles analyses téléphoniques
- comparer les modes opératoires utilisés en mars avril 2006 et celui du 2 mai 2007 (affaire de la dépanneuse de police)
- comparer ces modes de fabrication à ceux décrits dans les livres saisis dans la voiture lors de l’arrestation d’Isa en janvier 2008
- effectuer des comparaisons ADN concernant Juan
- procéder à des expertises psychiatriques sur Isa, Juan et Damien (les 3 personnes déjà accusées pour l’histoire de la dépanneuse).

Une commission rogatoire est en cours : les flics sont en train d’enquêter. A ce jour, il n’y a pas encore de retour. Plus d’infos bientôt sans doute.

Solidarité !

4 janvier 2010

En Autriche: vague de répression et législation durcie

Le gouvernement autrichien vient de présenter un projet de loi visant à redéfinir la notion de « terrorisme » et à se doter d’un appareil de répression et de contrôle toujours plus développé. Ce nouveau projet devrait normalement entrer en vigueur en juin 2010 si le calendrier législatif est respecté.

En Autriche, ce n’est pas la prétendue mouvance anarcho-autonome qui fait figure de menace justifiant de mesures  liberticides mais ce sont les militant-e-s en faveur d’une reconsidération du statut éthique des animaux non-humains. Il faut dire que leur mouvement est capable de mobiliser des milliers de personnes, qu’il a obtenu de nombreuses victoires, comme l’interdiction des élevages en batterie sur tout le territoire ou l’interdiction du gavage dans plusieurs provinces, et qu’il représente une vraie menace pour les intérêts des industriels de l’agroalimentaire.

Le nouveau projet de loi s’inscrit dans un processus  de démantèlement des groupes qui a commencé en 2007 avec une campagne d’infiltration et de mises sur écoute pour aboutir en mai 2008 à une vague de perquisitions et d’arrestations dont la démesure n’a rien à envier au plateau de Millevaches : policiers encagoulés et équipés d’armes à feu, confiscation d’ordinateurs, livres et tracts, prise de l’ADN et des empreintes digitales par la force, etc.

Au final, dix personnes ont eu des charges retenues contre elles et ont  passé jusqu’à 104 jours en détention provisoire avant d’être libérées sous contrôle judiciaire dans l’attente de leur procès qui commencera le 2 mars 2010. Cela risque d’être un procès spectaculaire qui devrait durer au moins 6 mois et peut-être une année durant lequel l’accusation a présenté 115 témoins à auditionner.

Le nouveau projet de loi anti-terroriste s’appliquera à l’ensemble de la société autrichienne et l’opposition à cette politique ainsi que la solidarité avec les inculpé-e-s doit s’étendre bien au-delà des groupes d’affinité politique animalistes. Il est prévu de sanctionner le fait de :

- s’exprimer, oralement ou par écrit, en soutien à une activité terroriste
- inciter à une activité terroriste
- enseigner à d’autres la réalisation d’une activité terroriste (10 ans de prison)
- être informé de la réalisation d’une activité terroriste (5 ans de prison)
- publier, en particulier sur Internet, tout ce qui peut être considéré comme des conseils en matière d’activité terroriste (2 ans de prison)
- télécharger sur Internet tout ce qui peut être considéré comme des conseils en matière d’activité terroriste (2 ans de prison)
- s’adresser en personne ou par courrier électronique, à au moins 30 personnes en soutien d’une activité terroriste (2 ans de prison)
- s’adresser en personne ou par courrier électronique à au moins 30 personnes en incitant à une activité terroriste
 
            Notons qu’une activité est notamment considérée comme « terroriste », s’il s’agit d’une infraction pénale qui perturbe gravement l’économie ou la perturbe légèrement mais sur une longue période, avec l’intention de faire pression sur quelqu’un pour qu’il fasse ou ne fasse pas quelque chose.

           Si vous commettez en Autriche une infraction considérée comme « terroriste », la sanction normale sera multipliée par 1,5. Par exemple, le même délit sera passible de 6 mois de prison et 10.000 euros d’amende pour un mobile crapuleux et sera passible de 9 mois de prison et 15.000 euros d’amende si le mobile est politique.

Merci à Martin Balluch pour son témoignage et à Françoise Degenne pour la traduction  dont je reprends les propos dans toute une partie de ce texte.

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4 décembre 2009

Pourquoi nous cessons de respecter les contrôles judiciaires

L'arrestation de Christophe, le 27 novembre, marque un palier dans la bouffée délirante d'Etat que l'on nomme pudiquement "affaire de Tarnac". Sa mise en examen situe le point où une procédure ne se poursuit qu'afin de se sauver elle-même, où l'on inculpe une personne de plus dans le seul espoir de maintenir le reste des inculpations.

En fait de "premier cercle", Christophe appartient surtout au petit nombre de ceux avec qui nous discutons de notre défense. Le contrôle judiciaire qui voudrait, pour l'avenir, lui interdire de nous voir est l'aberration de trop ; c'est une mesure consciente de désorganisation de la défense, aussi. A ce point de torsion de toutes les notions du droit, qui pourrait encore exiger de nous que nous respections ces contrôles judiciaires et cette procédure démente ? A l'absurde nul n'est tenu. Il n'y a pas besoin de se croire au-dessus de la justice pour constater qu'elle est en dessous de tout. Au reste, une société qui se maintient par des moyens si évidemment criminels n'a de procès à intenter à personne.
La liberté sous contrôle judiciaire est le nom d'une sorte d'expérience mystique que chacun peut se figurer. Imaginez que vous ayez le droit de voir qui vous voulez, sauf ceux que vous aimez, que vous puissiez habiter n'importe où, sauf chez vous, que vous puissiez parler librement, au téléphone ou devant des inconnus, mais que tout ce que vous dites puisse être, un jour ou l'autre, retenu contre vous. Imaginez que vous puissiez faire tout ce que vous voulez, sauf ce qui vous tient à coeur. Un couteau sans manche auquel on a retiré la lame ressemble davantage à un couteau que la liberté sous contrôle judiciaire ne ressemble à la liberté.
Vous flânez sur un boulevard avec trois amis ; sous la plume des flics qui vous filochent, cela se dit : "Les quatre objectifs se déplacent en direction de..." Vous retrouvez après des mois de séparation un être qui vous est cher ; dans le jargon judiciaire, cela devient une "concertation frauduleuse". Vous ne renoncez pas, même dans l'adversité, à ce que toute amitié suppose de fidélité ; c'est évidemment une "association de malfaiteurs".
La police et sa justice n'ont pas leur pareil pour travestir ce qui tombe sous leur regard. Peut-être ne sont-elles finalement que cette entreprise de rendre monstrueux ce qui, aimable ou détestable, se comprend sans peine.
S'il suffit de ne se reconnaître dans aucune des organisations politiques existantes pour être "autonome", alors il faut bien admettre que nous sommes une majorité d'autonomes dans ce pays. S'il suffit de regarder les directions syndicales comme des traîtres avérés à la classe ouvrière pour être d'"ultragauche", alors la base de la CGT est présentement composée d'une série de dangereux noyaux d'ultragauchistes.
Nous désertons. Nous ne pointerons plus et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l'avons fait, déjà, pour écrire ce texte. Nous ne chercherons pas à nous cacher. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu'il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d'épier nos conversations, de fouiller nos poubelles, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à notre famille durant nos parloirs en prison.
S'ils sont fascinés par nous, nous ne sommes pas fascinés par eux - eux que nos enfants appellent désormais, non sans humour, les "voleurs de brosses à dents" parce que, à chaque fois qu'ils déboulent avec leurs 9 mm, ils raflent au passage toutes les brosses à dents pour leurs précieuses expertises ADN. Ils ont besoin de nous pour justifier leur existence et leurs crédits, nous pas. Ils doivent nous constituer, par toutes sortes de surveillances et d'actes de procédure, en groupuscule paranoïaque, nous, nous aspirons à nous dissoudre dans un mouvement de masse, qui, parmi tant d'autres choses, les dissoudra, eux.
Mais ce que nous désertons d'abord, c'est le rôle d'ennemi public, c'est-à-dire, au fond, de victime, que l'on a voulu nous faire jouer. Et, si nous le désertons, c'est pour pouvoir reprendre la lutte. "Il faut substituer au sentiment du gibier traqué l'allant du combattant", disait, dans des circonstances somme toute assez semblables, Georges Guingouin (Résistant communiste).
Partout dans la machine sociale, cela explose à bas bruit, et parfois à si bas bruit que cela prend la forme d'un suicide. Il n'y a pas un secteur de cette machine qui ait été épargné dans les années passées par ce genre d'explosion : agriculture, énergie, transports, école, communications, recherche, université, hôpitaux, psychiatrie. Et chacun de ces craquements ne donne, hélas, rien, sinon un surplus de dépression ou de cynisme vital - choses qui se valent bien, en fin de compte.
Comme le plus grand nombre aujourd'hui, nous sommes déchirés par le paradoxe de la situation : d'un côté, nous ne pouvons pas continuer à vivre comme cela, ni laisser le monde courir à sa perte entre les mains d'une oligarchie d'imbéciles, de l'autre, toute forme de perspective plus désirable que le désastre présent, toute idée de chemin praticable pour échapper à ce désastre se sont dérobées. Et nul ne se révolte sans perspective d'une vie meilleure, hormis quelques âmes sympathiquement désespérées.
L'époque ne manque pas de richesse, c'est plutôt la longueur du souffle qui lui fait défaut. Il nous faut le temps, il nous faut la durée - des menées au long cours. Un des effets principaux de ce qu'on appelle répression, comme du travail salarié d'ailleurs, c'est de nous ôter le temps. Pas seulement en nous ôtant matériellement du temps - le temps passé en prison, le temps passé à chercher à faire sortir ceux qui y sont -, mais aussi et d'abord en imposant sa propre cadence. L'existence de ceux qui font face à la répression, pour eux-mêmes comme pour leur entourage, est perpétuellement obnubilée par des événements immédiats. Tout la ramène au temps court, et à l'actualité. Toute durée se morcelle. Les contrôles judiciaires sont de cette nature, les contrôles judiciaires ont ce genre d'effets. Cela va bien ainsi.
Ce qui nous est arrivé n'était pas centralement destiné à nous neutraliser nous, en tant que groupe, mais bien à impressionner le plus grand nombre ; notamment ceux, nombreux, qui ne parviennent plus à dissimuler tout le mal qu'ils pensent du monde tel qu'il va. On ne nous a pas neutralisés. Mieux, on n'a rien neutralisé du tout en nous utilisant de la sorte.
Et rien ne doit plus nous empêcher de reprendre, et plus largement sans doute, qu'auparavant, notre tâche : réélaborer une perspective capable de nous arracher à l'état d'impuissance collective qui nous frappe tous. Non pas exactement une perspective politique, non pas un programme, mais la possibilité technique, matérielle, d'un chemin praticable vers d'autres rapports au monde, vers d'autres rapports sociaux ; et ce en partant des contraintes existantes, de l'organisation effective de cette société, de ses subjectivités comme de ses infrastructures.
Car c'est seulement à partir d'une connaissance fine des obstacles au bouleversement que nous parviendrons à désencombrer l'horizon. Voilà bien une tâche de longue haleine, et qu'il n'y a pas de sens à mener seuls. Ceci est une invitation.

Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Mathieu et Yildune sont les dix personnes mises en examen dans l'affaire dite "de Tarnac".

4 décembre 2009

Pourquoi nous cessons de respecter les contrôles judiciaires

L'arrestation de Christophe, le 27 novembre, marque un palier dans la bouffée délirante d'Etat que l'on nomme pudiquement "affaire de Tarnac". Sa mise en examen situe le point où une procédure ne se poursuit qu'afin de se sauver elle-même, où l'on inculpe une personne de plus dans le seul espoir de maintenir le reste des inculpations.

En fait de "premier cercle", Christophe appartient surtout au petit nombre de ceux avec qui nous discutons de notre défense. Le contrôle judiciaire qui voudrait, pour l'avenir, lui interdire de nous voir est l'aberration de trop ; c'est une mesure consciente de désorganisation de la défense, aussi. A ce point de torsion de toutes les notions du droit, qui pourrait encore exiger de nous que nous respections ces contrôles judiciaires et cette procédure démente ? A l'absurde nul n'est tenu. Il n'y a pas besoin de se croire au-dessus de la justice pour constater qu'elle est en dessous de tout. Au reste, une société qui se maintient par des moyens si évidemment criminels n'a de procès à intenter à personne.
La liberté sous contrôle judiciaire est le nom d'une sorte d'expérience mystique que chacun peut se figurer. Imaginez que vous ayez le droit de voir qui vous voulez, sauf ceux que vous aimez, que vous puissiez habiter n'importe où, sauf chez vous, que vous puissiez parler librement, au téléphone ou devant des inconnus, mais que tout ce que vous dites puisse être, un jour ou l'autre, retenu contre vous. Imaginez que vous puissiez faire tout ce que vous voulez, sauf ce qui vous tient à coeur. Un couteau sans manche auquel on a retiré la lame ressemble davantage à un couteau que la liberté sous contrôle judiciaire ne ressemble à la liberté.
Vous flânez sur un boulevard avec trois amis ; sous la plume des flics qui vous filochent, cela se dit : "Les quatre objectifs se déplacent en direction de..." Vous retrouvez après des mois de séparation un être qui vous est cher ; dans le jargon judiciaire, cela devient une "concertation frauduleuse". Vous ne renoncez pas, même dans l'adversité, à ce que toute amitié suppose de fidélité ; c'est évidemment une "association de malfaiteurs".
La police et sa justice n'ont pas leur pareil pour travestir ce qui tombe sous leur regard. Peut-être ne sont-elles finalement que cette entreprise de rendre monstrueux ce qui, aimable ou détestable, se comprend sans peine.
S'il suffit de ne se reconnaître dans aucune des organisations politiques existantes pour être "autonome", alors il faut bien admettre que nous sommes une majorité d'autonomes dans ce pays. S'il suffit de regarder les directions syndicales comme des traîtres avérés à la classe ouvrière pour être d'"ultragauche", alors la base de la CGT est présentement composée d'une série de dangereux noyaux d'ultragauchistes.
Nous désertons. Nous ne pointerons plus et nous comptons bien nous retrouver, comme nous l'avons fait, déjà, pour écrire ce texte. Nous ne chercherons pas à nous cacher. Simplement, nous désertons le juge Fragnoli et les cent petites rumeurs, les mille aigreurs misérables qu'il répand sur notre compte devant tel ou tel journaliste. Nous désertons la sorte de guerre privée dans laquelle la sous-direction antiterroriste voudrait nous engager à force de nous coller aux basques, de "sonoriser" nos appartements, d'épier nos conversations, de fouiller nos poubelles, de retranscrire tout ce que nous avons pu dire à notre famille durant nos parloirs en prison.
S'ils sont fascinés par nous, nous ne sommes pas fascinés par eux - eux que nos enfants appellent désormais, non sans humour, les "voleurs de brosses à dents" parce que, à chaque fois qu'ils déboulent avec leurs 9 mm, ils raflent au passage toutes les brosses à dents pour leurs précieuses expertises ADN. Ils ont besoin de nous pour justifier leur existence et leurs crédits, nous pas. Ils doivent nous constituer, par toutes sortes de surveillances et d'actes de procédure, en groupuscule paranoïaque, nous, nous aspirons à nous dissoudre dans un mouvement de masse, qui, parmi tant d'autres choses, les dissoudra, eux.
Mais ce que nous désertons d'abord, c'est le rôle d'ennemi public, c'est-à-dire, au fond, de victime, que l'on a voulu nous faire jouer. Et, si nous le désertons, c'est pour pouvoir reprendre la lutte. "Il faut substituer au sentiment du gibier traqué l'allant du combattant", disait, dans des circonstances somme toute assez semblables, Georges Guingouin (Résistant communiste).
Partout dans la machine sociale, cela explose à bas bruit, et parfois à si bas bruit que cela prend la forme d'un suicide. Il n'y a pas un secteur de cette machine qui ait été épargné dans les années passées par ce genre d'explosion : agriculture, énergie, transports, école, communications, recherche, université, hôpitaux, psychiatrie. Et chacun de ces craquements ne donne, hélas, rien, sinon un surplus de dépression ou de cynisme vital - choses qui se valent bien, en fin de compte.
Comme le plus grand nombre aujourd'hui, nous sommes déchirés par le paradoxe de la situation : d'un côté, nous ne pouvons pas continuer à vivre comme cela, ni laisser le monde courir à sa perte entre les mains d'une oligarchie d'imbéciles, de l'autre, toute forme de perspective plus désirable que le désastre présent, toute idée de chemin praticable pour échapper à ce désastre se sont dérobées. Et nul ne se révolte sans perspective d'une vie meilleure, hormis quelques âmes sympathiquement désespérées.
L'époque ne manque pas de richesse, c'est plutôt la longueur du souffle qui lui fait défaut. Il nous faut le temps, il nous faut la durée - des menées au long cours. Un des effets principaux de ce qu'on appelle répression, comme du travail salarié d'ailleurs, c'est de nous ôter le temps. Pas seulement en nous ôtant matériellement du temps - le temps passé en prison, le temps passé à chercher à faire sortir ceux qui y sont -, mais aussi et d'abord en imposant sa propre cadence. L'existence de ceux qui font face à la répression, pour eux-mêmes comme pour leur entourage, est perpétuellement obnubilée par des événements immédiats. Tout la ramène au temps court, et à l'actualité. Toute durée se morcelle. Les contrôles judiciaires sont de cette nature, les contrôles judiciaires ont ce genre d'effets. Cela va bien ainsi.
Ce qui nous est arrivé n'était pas centralement destiné à nous neutraliser nous, en tant que groupe, mais bien à impressionner le plus grand nombre ; notamment ceux, nombreux, qui ne parviennent plus à dissimuler tout le mal qu'ils pensent du monde tel qu'il va. On ne nous a pas neutralisés. Mieux, on n'a rien neutralisé du tout en nous utilisant de la sorte.
Et rien ne doit plus nous empêcher de reprendre, et plus largement sans doute, qu'auparavant, notre tâche : réélaborer une perspective capable de nous arracher à l'état d'impuissance collective qui nous frappe tous. Non pas exactement une perspective politique, non pas un programme, mais la possibilité technique, matérielle, d'un chemin praticable vers d'autres rapports au monde, vers d'autres rapports sociaux ; et ce en partant des contraintes existantes, de l'organisation effective de cette société, de ses subjectivités comme de ses infrastructures.
Car c'est seulement à partir d'une connaissance fine des obstacles au bouleversement que nous parviendrons à désencombrer l'horizon. Voilà bien une tâche de longue haleine, et qu'il n'y a pas de sens à mener seuls. Ceci est une invitation.

Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Mathieu et Yildune sont les dix personnes mises en examen dans l'affaire dite "de Tarnac".

2 décembre 2009

Organisons le désordre

2 décembre 2009

Vive le feu

2 décembre 2009

Vers la place Jules Guesdes

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